L’ESPRIT

DU LIEU

«Ce livre s’intéresse à l’idée que j’ai du concept de l’architecture qui serait comme l’instrument capable de donner à l’homme une «prise existentielle». Mon objectif principal porte sur l’enquête des implications psychiques de l’architecture, plutôt que sur les aspects pratiques (…) Un lieu est un espace doté d’un caractère qui le distingue. Depuis l’Antiquité, le genius loci, l’esprit du lieu est considéré comme cette réalité concrète que l’homme affronte dans le vie quotidienne. Faire de l’architecture signifie visualiser le genius loci : le travail de l’architecte réside dans la création de lieux signifiants qui aide l’homme à habiter.»

Christian Norberg-Schulz, Genius Loci, Paysage, Ambiance, Architecture, extrait de la préface, Mardaga, 1981.

Les images de la série traitent de la manière d’habiter une vieille maison de campagne et de son identité façonnée sur plusieurs décennies.

Le Genius Loci, concept défini par Norberg Schulz, est décelable dans ces photographies par des indices physiques qui relatent des fonctions du lieu et des pratiques liées. Ces indices sont des marqueurs temporels et établissent une datation de l’appropriation ou de modification de l’espace. L’identification des éléments structurant l’image permet de supposer des pratiques et des activités à travers des reliques disparues, transformées ou remplacées par les objets actuels qui composent les photos. Ils sont aussi le lien entre passé et présent : je suis en contact avec l’ancêtre par cette chaise fabriquée de ses mains. Une présence invisible de l’aïeul grâce à l’existence de l’objet. C’est un lien visible mais inconscient. Il faut alors conscientiser le rapport au temps.

Les images révèlent une partie de l’histoire du lieu par les usages qui s’inscrivent dans un espace spécifique : les bûchettes sont accolées au mur extérieur, protégées par le débord de toiture, afin que le bois au sommet soit toujours sec. Des pistes
sont données par l’accumulation et l’imbrication des marqueurs temporels afin d’interpréter le vécu du lieu.


L’absence de figure humaine dans les scènes est force d’appropriation. La lumière, le mobilier ou les murs mis en scène dans les photos sont constitutifs d’une vieille bâtisse et l’on peut y greffer notre propre passé et développer un imaginaire qui prend
forme en ces lieux. Certains détails viennent ponctuer l’image et donnent à l’espace sa spécificité comme avec la présence d’une plaque de polystyrène entre le radiateur et le mur afin de limiter les pertes de chaleur.


Ces photographies témoignent de la transmission d’espaces partagés et de pratiques qui évoluent avec les générations, l’esprit du lieu s’est construit sur la durée par l’occupation des habitants de l’espace vécu.

Série réalisée en avril 2019 dans le cadre du concours d’entrée à l’École Nationale Supérieure Louis Lumière.